Lutetia
Il suffit d’arriver au coin du boulevard Raspail et de la rue de Sèvres pour comprendre qu’on ne met pas les pieds dans un hôtel lambda, mais dans un pan de la mémoire parisienne. Le Lutetia n’est pas qu’un cinq-étoiles : c’est un monument-palace qui a vu passer Picasso, Matisse, James Joyce en pleine écriture d’Ulysse, Joséphine Baker entre deux tours de chant, ou même De Gaulle, venu y passer sa lune de miel. Un établissement qui a été occupé pendant la guerre, puis transformé en refuge pour les rescapés des camps, avant d’être repensé dans les années 80 par Sonia Rykiel et Jean-Michel Wilmotte en 2018. Et qui, depuis, continue de fasciner les esthètes de la Rive gauche, d’Isabelle Huppert à David Lynch.
La façade impressionne : un grand vaisseau de pierre blonde, sculpté dans un style Art nouveau, avec ses lignes souples, ses balcons arrondis, ses ferronneries fleuries et ses moulures végétales. Conçue en 1910 par Louis-Hippolyte Boileau, elle tranche avec les immeubles haussmanniens voisins. À l’angle, le dôme de l’aile nord ajoute une note balnéaire, clin d’œil au grand hôtel de villégiature que le Lutetia entendait être à l’origine.
Dès qu’on pousse la porte tambour, quelque chose se passe. L’agitation du boulevard Raspail reste dehors, et on entre dans une bulle. Ni snob, ni figée sous cloche – non, de celles où l’on se sent étrangement attendu. Il y a quelque chose d’irrationnel, presque maternel, dans cette façon qu’a le Lutetia de vous envelopper. Surtout quand on d